Le veuvage est défini comme étant l’état juridique et social d’une personne qui a perdu son époux ou son épouse. Fortement influencé par les réalités socioculturelles, le veuvage est une chape de plomb pour les femmes avec de multiples interdits et contraintes.
Par AFB avec AMD
Isolées, sur une natte ou un matelas à même le sol. Parfois couvertes de la tête aux pieds (avec un pagne tissé pour les membres inférieurs), le quotidien de la veuve sénégalaise est rythmé de contraintes : interdiction de manger avec les membres de la famille, de porter des bijoux et habits de valeur ou en couleur, de se laver certains jours, de se tresser, de se coucher sur le lit conjugal, de parler de mondanité. Longue est la liste compilée à laquelle la nouvelle veuve qui ne doit sortir que très tôt le matin ou tard le soir doit se plier. Elle doit aussi oublier certains outils modernes (téléphone, télévision…) pendant toute la période de viduité.
Cette période charnière dans la vie des veuves est souvent régulée par la belle-famille. L’auteure Mariama Ba, dans son excellent roman Une si longue lettre se désolait déjà de certaines pratiques : La veuve est détressée avant son bain rituel. L’identité de la coiffeuse témoigne de ses relations avec sa belle-famille. C’est un moment de reconnaissance ou de mépris voire d’humiliation pour toute veuve, en sus de sa douleur née de la perte de son époux. Une souffrance qui atteint son paroxysme lorsqu’une inconnue la décoiffe.
« Ma peine était double. Le deuil de mon mari était aussi pénible à vivre que l’humiliation de ma belle-famille. Mes belles-sœurs ont fait appel à une personne étrangère, de caste inférieure pour me détresser », confie Collé, amère.
Tout le contraire de Mme Diop dont les soeurs de son défunt conjoint se sont acquittées à la tâche « sans compliments ni dédain. D’ailleurs, je m’en fichais plus ou moins. J’étais plus préoccupée par l’absence définitive de l’homme avec qui j’avais fondé un foyer heureux. »
Chez la famille Diao, Amadou, le cadet s’indigne de l’isolement social de sa mère. « J’ai perdu mon père au mois de juin et maintenant, je ne peux plus partager les repas avec maman ».
Des pratiques culturelles qui n’ont aucun fondement religieux.
Ce qu’en dit la religion
Le veuvage commence le jour du décès du mari et n’est pas contraignant. Selon l’imam de la grande mosquée de Colobane, Amadou Fall, « tel qu’il est pratiqué dans notre pays, le veuvage est fortement marqué par les traditions et moins par les prescriptions explicites de l’Islam. Il est juste exigé de la femme de rester sobre, de ne sortir que par nécessité et de ne pas dormir hors de la maison pendant quatre mois et dix jours selon le calendrier lunaire »
L’Église recommande, selon Abbé Alphonse Biram Ndour, curé de Gorée et vicaire épiscopal chargé du service, « aux femmes catholiques d’observer une période de viduité de 3 à 6 mois. Un temps de prière pour le défunt mais aussi pour constater que la veuve ne porte pas une grossesse.» À Ziguinchor, ce temps est réduit à 3 mois à la demande des femmes. Les veufs doivent attendre 4 mois avant de se remarier, tout en étant libre de leurs mouvements.
Les musulmanes doivent respecter un délai de viduité de 4 mois et dix jours, contrairement aux veufs qui ne sont soumis à aucune contrainte. Interpellé sur cette période, oustaz Taïb Socé explique que «le décès du conjoint ne rompt pas les liens du mariage. Le contrat se poursuit 4 mois et dix jours après. Ces mois font partie du contrat de mariage que la veuve soit enceinte ou pas. D’ailleurs, c’est l’islam qui a ramené ce délai à 4 mois dix jours. Il était d’un an dans la péninsule arabique où les veuves vivaient recluses, sans aucun soin.»
Le veuvage est une obligation pour toute veuve, qu’elle soit en âge de procréer ou à la ménopause, à l’exception de celles qui n’étaient plus dans les liens du mariage avant le décès de leur mari, même si elles n’ont pas quitté le domicile conjugal. Et seul, un avortement ou un accouchement peut y mettre fin.
Les recommandations religieuses permettent aux veuves de mener, durant la période de viduité, leurs activités, de participer à la vie sociale en toute sobriété. La seule interdiction qui leur est faite : ne peuvent être courtisées, ni être épousées. Mais, elles peuvent se laver quand elles le souhaitent, vaquer à leurs occupations, recevoir des visites, parler au téléphone, regarder la télévision, faire la cuisine. « Et à la fin de leur veuvage, se remarier avec l’homme de leur choix. Elles ne sont pas obligées d’épouser un frère ou parent proche de leur défunt mari. C’est aussi valable pour les veufs.»
Information très utile car par rapport la coutume, il y a certaines choses que je ne comprenais pas .
Merci à vous