Le dernier rapport de l’Agence nationale de Statistique et de la Démographie (ANSD) sur l’emploi et le travail au Sénégal, rendu public en octobre 2022, témoigne d’un fort contraste entre l’accessibilité des hommes et des femmes aux ressources génératrices de revenus. Une mainmise des hommes qui cache l’inadéquation des apports réels des femmes dans la société.
Par MF
La division du travail demeure encore profondément inégalitaire au Sénégal. Seulement 48,8% des femmes participent au marché du travail contre 64,5% des hommes, selon la dernière étude de l’ANSD.
Ainsi, les hommes consacrent en moyenne 5,6 heures dans les activités productives au sens du système de comptabilité nationale (SCN) contre 2,6 heures pour les femmes. Ces données s’inversent de façon automatique quand il s’agit d’activités productives hors SCN. Les femmes passent 4,2 heures dans ces activités contre 0,6 heure pour les hommes. Une bonne partie des activités des femmes demeurent non rétributives. L’ANSD conforte cette tendance et relève que les femmes, à hauteur de 90% participent beaucoup plus que les hommes aux activités non rémunérées (54%).
Et pourtant, les femmes légèrement supérieures au niveau de la population globale, n’ont que 31% d’activités rémunérées contre 50% pour les hommes. Ces données quantitatives rejaillissent de façon inéluctable sur la rémunération des femmes dans l’espace formel. En effet, l’enquête effectuée au niveau national démontre que 74,5% des travailleurs rémunérés sont des hommes.
Cette organisation sociale montre alors que les femmes contribuent plus à la production de biens pour usage finale propre à hauteur de 31,94% contre 28,54% pour les hommes. Une tendance encore fort dominante pour les services domestiques non rémunérées pour le ménage et les membres de la famille (84,64 pour les femmes contre 31,67% pour les hommes) et les Services de soins non rémunérés pour les membres du ménage et de la famille (44,76% contre 5,89%). Cette disparité se révèle aussi en milieu rural où, en moyenne, les activités domestiques non rémunérées dépassent de 2,4 heures celles effectuées en zone urbaine.
Pour corriger cette situation, il faudrait, selon un des volets poursuivis par l’ODD 5 (objectif de développement durable), « prendre en compte et valoriser les soins et travaux domestiques non rémunérés ».
Au-delà de ces données qui se vivent au quotidien et traduisent la réalité d’une majeure partie de la population, il convient aussi de relever leurs limites. En effet, en plaçant comme activité non productive « l’apprentissage, la socialisation, la communication, la culture, les soins personnels et l’entretien », l’étude ne s’appuie que sur l’aspect monétaire ou visible de la production socioéconomique des territoires ciblés. Cette dimension quantitative noie tout l’apport qualitatif généré par ces activités. Le fonctionnement des sociétés encore sous le sceau d’un collectif social, qui s’effrite tout en résistant, rend difficile à mesurer les effets produits par ces activités. Et si, on changeait de mesure…
Félicitations et bonne continuation