Par MF
La santé mentale n’a pas encore franchi la frontière de l’univers subconscient des Sénégalais. Elle ne doit pas franchir le seuil du domaine privé. Les autorités encouragent cette pensée étouffante et enveloppante. Sinon, comment comprendre qu’aucun budget conséquent n’est alloué à la prise en charge des malades et surtout à la recherche nécessaire pour endiguer ce fléau ?
La dépression est prépondérante ainsi que sa prévalence féminine, au regard des données colligées au niveau des structures spécialisées. Les chiffres publiés, en 2020, relèvent que 87,5% des malades souffrant de dépression au service de psychiatrie de l’EPS1 de Mbour sont des femmes. Cette structure a commencé ses activités en août 2019.
La même tendance s’observe au service de psychiatrie de l’hôpital régional de Louga où la prise en charge est essentiellement ambulatoire. Les femmes y représentent 71,25 %. Aucune unité d’hospitalisation n’y est offerte et seuls deux lits sont mis à la disposition des malades pour une courte observation. Cette dynamique se ressent également au centre de réinsertion Imam Assane Cissé de Kaolack. Les femmes dépressives constituent 73,33% des patients traités.
Au service de psychiatrie de Tambacounda, qui ne dispose d’aucun partenaire pour mener à bien ses activités de recherche et promouvoir ses soins, quelque 63 femmes y ont été répertoriées comme souffrant de dépression contre 29 hommes. Et, 80% des personnes souffrant de dépression sont des femmes au centre de santé mentale Dalal Xél de Thiès, une structure psychiatrique privée. La seule exception notée dans les structures sanitaires spécifiant leurs consultations demeure le Centre hospitalier national psychiatrique de Thiaroye. La dépression y concerne 13 hommes contre une femme.
Ces données quantitatives, certes limitées, reposent encore une fois des préjugés tenaces. La quasi-totalité de ces structures ne disposent pas des ressources humaine, financière et logistique nécessaires pour apporter les soins appropriés aux malades. En 2019, le Sénégal ne comptait que 38 psychiatres, dont 5 relèvent du ministère des forces armées. Seuls 296 lits fonctionnels sont alloués à la santé mentale, selon des données publiées dans le rapport sur la santé mentale en 2019.
Cette situation endémique touche une bonne partie des pays africains où le sous-investissement des gouvernements est le principal obstacle à la prestation de services de santé mentale adaptés aux besoins. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les États africains consacrent moins de 250 francs CFA par habitant à la santé mentale en 2022. Un léger progrès par rapport aux 50 francs CFA alloués en 2017. Aussi, est-il recensé en Afrique subsaharienne un psychiatre pour 500 000 habitants, soit 100 fois moins que la recommandation de l’OMS qui déplore aussi leur forte concentration dans les centres urbains.