Par DS & MF
À 30 ans, le spectre du célibat commence à hanter la majorité des femmes non mariées. L’institution du mariage est encore une des voies désignées pour avoir un certain statut social. Ce, à l’image d’Aminata (nom d’emprunt) qui a trouvé chaussure à son pied. Elle est aux anges. Elle va épouser l’homme avec qui elle partage son destin depuis 3 ans et dont les qualités humaines l’ont séduites. C’est l’homme de sa vie. Son rêve se réalise enfin. Pour son entourage, elle a gagné le jackpot. Un mari jeune, beau, respectueux et travailleur. Le mariage, scellé rapidement, a été consacré par la naissance de 3 bouts de bois de Dieu.
Toutefois, difficile fut la trajectoire de ce mariage. Aminata n’en veut plus, excédée par le comportement de son époux : « Il me trompe. » Un retour aux dures réalités du ménage pour celle qui pensait en l’éternel amour et fidélité jurés par son époux. Impuissante, Aminata n’a que les mots pour partager ses maux.
L’infidélité dans le couple est une des principales causes de divorce. Aussitôt prononcé, le mariage perd de plus en plus de sa longévité au Sénégal. En effet, le Tribunal civil de Dakar a prononcé plus de 4 divorces par jour en 2021, soit quelque 1591 cas officiellement rapportés. Le registre familial des affaires sociales et familiales des greffes de la Cour précise que 1037 divorces par contentieux et 554 séparations par consentement mutuel ont été tranchés devant la juridiction désignée.
Ces données sont corroborées par les résultats de l’enquête faite par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) rendues publiques en novembre 2021 selon lesquelles 126 286 divorces ont été prononcés au Sénégal. Les demandes introduites par les femmes, soit environ 96 049 cas, dépassent de loin celles des hommes (30 236). Alarmantes, ces statistiques brutes montrent que, chaque jour, près de 345 divorces sont officiellement déclarés. Les causes fréquemment invoquées sont liées à l’entretien matériel, à l’arrivée d’une nouvelle épouse, à l’incompatibilité d’humeur et au maraboutage entre autres.
Aussi, une bonne partie des épouses ne parviennent-elles pas à supporter l’infidélité et les tromperies de leurs époux. Les récits des conjoints engagés dans les procédures de divorce en attestent. Ndèye n’a eu l’occasion de souffler que sur deux bougies pour célébrer son mariage. Difficile pour elle de continuer à nourrir sa relation conjugale quand elle découvrit que son mari fréquentait d’autres filles. Le divorce fut consommé. Sa sœur s’est engagée dans la même mouvance : « J’ai été plus catégorique. Malgré les tentatives de sauver le mariage, j’ai décidé d’y mettre fin. J’ai demandé le divorce et engagé un avocat qui m’a défendue pour y arriver. »
Résiliente et décidée à sauver son foyer, Aminata, pour sa part, résiste toujours. Son mariage vacille, même si la rupture n’est pas encore consommée. Sa maman l’en a dissuadé pour le bien de ses enfants, mais son ménage n’est plus ce qu’il était. Déçue par le comportement de l’homme qu’il croyait irréprochable et éprouvée par les difficultés de la vie au quotidien, elle semble rongée par ses remords. Son poids est visiblement affecté. « Je ne ressemble plus à une personne normale, je passe des nuits blanches à penser », se lamente la jeune femme de 39 ans.
Ses nuits sans sommeil sont partagées par une bonne partie des nouveaux mariés. Cette tension familiale qui finit souvent par un divorce touche un couple sur trois durant les 5 premières années de mariage. Selon la sociologue Fatou Binetou Dial, réagissant dans la presse lors de la publication de ces données, le mariage tardif est de plus en plus constaté au Sénégal qui faisait pourtant office de leader en Afrique de l’Ouest pour les mariages précoces.
Aminata est, certes, affectée par l’infidélité de son mari, mais s’inquiète plus pour les conséquences en découlant. « Je suis dans le milieu de la santé et beaucoup de maladies comme le VIH Sida, les Hépatites infectent des femmes par l’intermédiaire de leur conjoint infidèle. Cette peur hante mes nuits. »
Nouvellement mariées ou engagées depuis des années, beaucoup de femmes ont vécu l’infidélité de leurs conjoints à un moment ou à un autre. Si certaines comme Ndèye ne la supportent pas et mettent fin à leur relation, d’autres endurent et acceptent de souffrir en silence. Maimouna a bouclé 20 ans de vie commune. Elle garde encore l’amertume de la trahison. « En état de grossesse très avancé, mon mari me laissait seule avec les enfants pour aller s’amouracher ailleurs. C’était une situation très difficile à vivre, mais pour le bien des enfants, je me suis résignée », témoigne la mère de famille qui a fini par accepter sa coépouse.
L’absence de fidélité dans le couple est pourtant fortement décriée par la religion, même si la polygamie est autorisée par l’Islam. Cette fidélité est un des piliers du mariage. Selon Oustaz Taib Socé, « l’infidélité dans un couple est « haram ». Elle est interdite par la religion musulmane, car c’est une attitude très dangereuse, une trahison proscrite et ce n’est pas sain. Si l’épouse n’est pas satisfaite, elle peut demander le divorce. Quant au mari, il peut prendre une autre femme », tranche le prêcheur.
La fidélité nourrit le mariage et l’entretient au quotidien. L’infidélité est toxique pour sa survie. Elle ébranle la stabilité du couple et n’apporte que souffrance et trahison.