Un mariage réussi est toujours consacré au Sénégal par la naissance d’un enfant. Le rêve ne suit pas toujours la réalité et beaucoup de couples peinent à célébrer leur premier baptême. Encore inconnues, les voies pour guérir de l’infertilité mènent vers toutes les thérapies, moderne et traditionnelle. Le manoir du marabout Mamady Doumbouya de Keur Massar, une des références dans le milieu, est bien connu des hommes dakarois.
Par LD
Le trafic est dense au rond-point de Keur Massar en cette période estivale. Les trottoirs sont assiégés par les commerçants. Les vendeurs à la sauvette se faufilent entre les voitures. On joue aux coudes pour accéder à une rue mitoyenne au grand marché de Keur Massar. Ce labyrinthe mène chez Mamady Doumbouya, un marabout très connu pour ses « miracles mystiques » à extirper les hommes des démons de l’infertilité.
Devant un bâtiment à étages, aux carreaux bruns lumineux, un homme, endimanché, et de forte corpulence, fait le vigile. L’appartement de Doumbouya est au quatrième. Des hommes patientent le long du couloir, certains assis, d’autres sont restés debout, faute de places. Ils viennent de partout du Sénégal et ont en commun un mal : l’infertilité après des années de mariage. Parmi eux, Abdou Salam Lô, âgé de 42 ans. Habitant des Parcelles Assainies, M. Lô confie : « Je me suis marié à l’âge de 28 ans. Cela fait déjà plus une dizaine d’années que je suis incapable d’être papa. »
La voix plaintive, le regard évasif, Abdou Salam Lô habillé d’une chemise multicolore, explique : « Une connaissancem’a parlé de Doumbouya. Il pourrait me soigner». Presque en bredouillant, il poursuit pour dire qu’ un « ménage sans enfant n’est pas un heureux ménage ; sans lui, on ne peut pas mener une vie épanouie ». Des regards inquisiteurs sont portés sur les femmes assises à quelques mètres de lui. Après les avoir dévisagées, Abdou Salam reprend son souffle et lance : « Ma femme est jeune. Je comprends que la situation l’affecte au même titre que moi et j’ignore si elle pourra tenir le coup aussi longtemps ». En fait après deux années de mariage sans enfants, Abdou Salam décide de consulter un gynécologue avec son épouse pour « connaitre les raisons et situer les responsabilités. »
Des certitudes contredites par la médecine
Convaincu de l’infertilité de sa femme tout en réfutant toute limite de sa part, il fut surpris par les résultats gynécologiques. Son « orgueil » en a pris un coup. « J’ai été imprudent d’avoir pensé de la sorte. Le diagnostic du gynécologue montre que ma femme ne souffre d’aucune anomalie. » C’était en 2012 se souvient-il ; Un vrai « drame conjugal. Je crains un divorce si la situation perdure », dit-il, le visage crispé. « Jusqu’à six ans, je n’ai suivi que la médecine traditionnelle, en effectuant consultation sur consultation ». Toutes ces démarches ont été « infructueuses ». Le marabout Doumbouya est son dernier recours.
El Hadji Baye Diène, 52 ans, vit le même calvaire. Un bonnet gris au milieu pointu sur une tête aux cheveux blancs crépus, il s’est marié à 30 ans. Ce natif de Guédé, un village de Touba, raconte : « Je me suis marié très tôt. J’ai toutefois dû divorcer après cinq années de mariage sans enfant. Je la comprenais. Le bonheur d’une union sacrée est consubstantiel à la capacité d’avoir des enfants ».
L’infertilité, une affaire de jeunes
Un autre patient sollicite Doumbouya pour « impuissance sexuelle (du fait d’une) éjaculation précoce ». Il s’appelle Soulèye Sow. Agé de 27 ans et marié depuis huit ans, il confesse : « C’est bien triste de courir toujours après son premier enfant à la suite de tant d’années d’union. Ma femme est encore jeune. Imaginez notre désarroi. » Le regard perdu, Soulèye a vu « plusieurs de (ses) amis devenir père. Si je pense encore que je suis marié bien avant eux, j’ai la chair de poule. »
Tidiane Thiam, 25 ans, lui dit être « victime de Xala » une pratique mystique qui empêche toute érection. Il accuse sa première copine de lui avoir jeter ce mauvais sort. « C’est lors de ma première nuit nuptiale que j’ai remarqué que quelque chose n’allait pas bien. J’avais un problème érectile », confie Tidiane. Tout en se déchaussant, il rajoute, sur un ton larmoyant, que « depuis ce jour-là, je n’arrive plus à bander quand je suis en relation intime avec mon épouse » qui frôle la vingtaine. C’est son troisième rendez-vous mensuel chez Doumbouya.