Au bout de quelques mois de mariage, une épouse sans grossesse suscite des interrogations. La difficulté de concevoir dans un couple est toujours attribuée aux femmes. Pris en compassion, les époux sont épargnés. Alors que l’infertilité touche autant les hommes que les femmes.
Par MF
Aicha s’est convolée avec Bassirou en juin 2000. Un nouveau siècle plein de promesses pour leur projet de vie. Ils se sont connus au berceau. Leurs parents étaient voisins depuis une quarantaine d’années et les deux familles entretenaient des liens très forts. La relation amoureuse entre leurs aînés avait été une consécration de leur amitié bâtie sur du roc. Un mariage de rêve érigé en modèle dans les annales du quartier où tout le monde se connaît.
Deux ans d’une vie conjugale sans orage, avant que le ciel ne s’assombrisse. Le ventre d’Aicha ne prenait pas forme. Les spéculations allaient bon train. Les conseils informels affluaient pour consulter le meilleur guérisseur de telle localité, le médecin qui fait des miracles ou le marabout qui a le secret des prières bénies, sans oublier les coctions et les sacrifices de toutes sortes.
Aicha et Bassirou étaient dépassés par la situation. Ils s’attendaient à tous les défis, sauf à celui-là. « Au début, Bass me soutenait. Il m’accompagnait et souvent payait les consultations. Il me conseillait de ne pas prêter attention aux commérages. Petit à petit, il a commencé à prendre ses distances. Il devenait désagréable pour un oui ou un non. Je percevais dans son regard fuyant une once d’accusation. Je ne reconnaissais plus mon Bass », raconte Aicha.
Elle poursuit avec amertume ce que son désir de fonder une famille avec l’homme de sa vie lui a coûté physiquement et mentalement. « Lors des cérémonies familiales ou religieuses, en plus des pics que je recevais, ma belle-famille m’évitait. Le plus choquant dans toute cette affaire est le jugement sans appel de ma culpabilité d’infertilité, sans preuve. Nos familles se sont déchirées. La situation était intenable et finalement nous avons décidé de prendre des chemins séparés dans la douleur après cinq ans de vie commune. »
Son histoire est loin d’être unique. Les femmes sont souvent pointées du doigt dans les ménages qui ont des difficultés pour procréer. Elles sont tenues responsables de cet échec. Pour Satou qui a vécu une situation similaire, ce tribunal populaire est partial. « Quelques mois, après avoir rejoint le domicile conjugal, je me sentais épiée par ma belle-sœur qui habitait avec nous. Au retour du travail, le stress m’empoignait parce qu’elle trouvait toujours un moyen de me retenir pour des palabres inutiles. À notre premier anniversaire de mariage, ma belle-mère a déménagé à la maison et ne se gênait pas pour me dire l’erreur qu’a commise son fils en m’épousant. En plus de cette pression que je subissais sous mon toit, Karim trouvait toujours le moyen de rentrer tard. J’ai tout supporté jusqu’au jour où j’ai appris qu’il a pris une deuxième femme. J’ai craqué et suis partie ».
Et Satou de poursuivre : « J’étais devenue une ombre. Je ne comprenais pas comment mon mariage a viré au cauchemar en si peu de temps. Heureusement, ma foi m’a beaucoup aidé dans cette épreuve. Cette histoire qui me hante encore est derrière moi. Je suis devenue maman d’une fille de 7 ans et d’un garçon de 4 ans. Mon ex est à son troisième mariage sans grand succès pour le moment. Mon divorce a été un mal pour un bien », confie la jeune dame qui nous a accueilli dans son perron.
L’infertilité n’est, donc, pas une affaire de femmes seulement. Des hommes en souffrent également, mais en parlent peu. Dans les représentations collectives, l’idée que l’infertilité est une atteinte à la virilité est assez répandue. Il est quasi impossible que de « vrais » hommes puissent avoir des difficultés à procréer. Un tabou alimenté par des préjugés et des croyances sur la responsabilité des femmes dans les formes d’infertilité voire de stérilité.
Pourtant, selon l’Oms, l’infertilité, c’est-à-dire l’incapacité à obtenir une conception sans aide médicale, peut être d’origine masculine. Dans les couples, la moitié des cas, soit 20%, les concerne (sperme défaillant ou absent), 20% touche les femmes (pathologies des trompes, troubles de l’ovulation ou endométriose), 40 % mixte et 10% inexpliqué. Aucune cause n’a été mise en évidence ni chez la femme ni chez l’homme.