Entre préjugés et crainte de perdre son emploi, les femmes ont du mal à vivre leur grossesse et même parfois à l’assumer en milieu professionnel. Elles doivent user de subterfuges pour s’en sortir.
Par AD & MF
Heureuse d’être enceinte, Aline Diop annonce la bonne nouvelle à son superviseur. Ce dernier lui annonce son renvoi, le lendemain, pour lui permettre de continuer ses « galipettes ». Humiliée, elle porte plainte pour discrimination, mais « il n’y a eu aucune suite ».
Son cas est loin d’être isolé. Certaines femmes ont peur de tomber enceinte pour garder leur emploi. « J’attendais d’être embauchée avant de prendre la décision d’avoir un enfant. Cela a pris dix-huit mois. Tu ne peux même imaginer la pression à la maison, mais j’avais plus peur de me retrouver sans travail, dans la précarité qu’autre chose », confie Aïssatou Diouf, conseillère à la clientèle dans une banque.
D’autres cachent leur grossesse le plus longtemps possible pour ne pas perdre leur gagne-pain. « Dans mon entreprise, je n’avais dit à personne que j’étais enceinte de peur qu’ils mettent fin à mon contrat. Même quand j’étais malade, je m’efforçais d’aller travailler », raconte Dieynaba Diallo, stoïque face aux nausées, à la fatigue, aux étourdissements et autres maux liés à son état.
Dans une société qui valorise la maternité, Adja Thiaw, conseillère en communication, ne comprenait pas les questions de son ancien patron. Ce dernier lui avait demandé si elle attendait un enfant ou si elle souhaitait fonder une famille dans l’immédiat. Elle n’en revient toujours pas de cette intrusion dans sa vie privée, cinq ans après.
Pourtant, la grossesse n’est pas une maladie. Mais la crainte que la femme enceinte soit un boulet au travail est bien ancrée chez les employeurs qui ne veulent pas assumer les coûts. Et dès que certains sont au courant de l’état de la femme, elle est licenciée avant même le troisième trimestre de grossesse.
La discrimination fondée sur la grossesse est interdite au Sénégal. Une loi portant sur la protection des femmes enceintes au travail a été votée, le 5 avril 2022. Et les employeurs coupables de telles infractions sanctionnés. Mais pour Maodo, propriétaire d’une épicerie, « mieux vaut payer une amende que d’embaucher une personne que tu vas remplacer quelques semaines plus tard. C’est une perte de temps énorme, en termes de rentabilité et d’efficacité ».