Dans la commune de Diourbel, le métier de ferrailleur n’est plus la chasse gardée des hommes. Des femmes parcourent les rues de la ville et des environs pour collecter, acheter et vendre la précieuse matière.
Par BAD
Le métier de ferrailleur n’est plus un tabou pour les femmes. Nombreuses sont celles qui arpentent les rues de la ville, appelant les détenteurs de ferraille non utilisée à leur céder gratuitement ou moyennant un montant leur matière.
La féminisation de cette profession semble découler de la conjoncture économique. Le drame survenu le 26 février 2022 en témoigne. Une dame, âgée d’une cinquantaine d’années, a été retrouvée morte dans un dépotoir d’ordures sauvages. La défunte cherchait de la ferraille pour subvenir aux besoins de sa famille, en faisant le tour des dépotoirs.
Une pratique que certaines contournent en demandant un prêt, entre 5 et 15 mille francs par jour, auprès de leur bailleur-acheteur de ferraille pour en acheter. « Une fois l’argent reçu, nous cherchons de la petite monnaie au marché vers 11h et 12h, avant de se rendre sur le terrain jusqu’à la fin de l’après-midi. Les jours, où nous collectons une quantité appréciable de ferraille, nous louons une charrette à 5 ou 6 mille, voire 6 500 FCFA. Notre bailleur-acheteur procède au pesage et détermine le montant à recevoir, après avoir soustrait son prêt », explique Ndiolé Thiam, croisée dans l’une des rues du quartier Ndayane.
À la quête de son précieux trésor, Ndiolé sonne comme un tocsin : « Ferraille, ferraille, qui a de la ferraille à vendre ? », sous une chaleur accablante, son nourrisson, en débardeur rouge, porté sur le dos, la balance à la main gauche et un bol en aluminium contenant un sac rempli de ferraille sur la tête.
La collecte de ferraille est un travail nécessitant de la force, de l’endurance et de la résilience sociale. « La matière est lourde et après, chaque coin de rue, il faut la déposer quelque part. Et, quand c’est éparpillé, faire plusieurs allers-retours pour la rassembler.
Se forger son empire de ferraille
Ces difficultés ne freinent pas les ambitions de Mme Thiam qui souhaite créer sa propre entreprise. Cette mère de 5 enfants rêve de devenir une opératrice économique de matière première secondaire des déchets de métaux. « J’aime faire ce métier de ferraille parce que la seule perte, c’est de rentrer sans bénéfice. Si j’avais assez de moyens, j’ouvrirais une cantine pour faire comme nos bailleurs-acheteurs, afin de ne plus passer mon temps à trouver de la ferraille à recycler.»
Contrairement à Ndiolé Thiam qui souhaite forger son « empire de ferraille », Penda Touré cherche à dénouer les ferrailles pour trouver les voies de sortie de cette activité où elle commence à durer. Elle aspire à changer de travail. Restent ses seules limites, les moyens financiers.«Si j’avais une activité plus alléchante, je n’hésiterais pas à m’y engager. En attendant, je reste dans le commerce de ferraille. Ceux qui l’achètent, ce sont eux qui nous financent, donc le profit est assuré », confie Penda Touré, mère de deux garçons. Ces derniers demeurent ses premiers appuis dans la collecte des déchets de ferraille, sa principale source de revenu depuis bientôt sept ans.
Vêtue d’un wax rougeâtre en coupe marinière et jupe, elle sillonne, pratiquement tous les jours, les rues de la commune de Diourbel et cogne, parfois, la porte des maisons à la recherche de sa précieuse matière. « C’est très difficile comme labeur, éprouvant physiquement, mais aussi socialement. Nous faisons le tour des maisons pour acheter les morceaux de fer inutilisables qui nous sont le plus souvent vendus par les enfants. Il y a des femmes qui vont dans les dépôts sauvages d’ordure à la recherche des déchets de fer, mais je ne l’ai jamais fait. » Mme Touré préfère parcourir des kilomètres pour dénicher de la ferraille en allant « jusqu’à Ngohé ou Gossass».
Marame Ndiaye, également, n’hésite pas à se rendre dans les villages de Boundou ou de Sombe et faire le tour des maisons pour acheter de la ferraille et la revendre. « On achète le kilogramme à 75 FCFA pour le vendre à 100 FCFA au minimum, parce que le prix du fer n’est pas stable. Parfois, on gagne 3000 FCFA ou moins, voire rien. Tout dépend des journées, du poids de la marchandise, du prix de la ferraille et du coût du transport en charrette. »
À la fin de leur journée de labeur, les ferrailleuses se rendent au parc des ferrailles du marché Ndoumbé Diop et vendent la matière collectée à leurs bailleurs. Ces derniers achètent « le kilogramme à 135 FCFA pour leur permettre de faire des bénéfices et revendent la marchandise à 175 FCFA le kilogramme à deux usines de Dakar », explique M. Tall, opérateur dans le métier de collecte, d’achat et de revente de ferraille. « Voir les femmes faire un travail aussi physique, qui était réservé aux hommes, montre qu’elles ont du mal en à trouver de moins pénible pour subvenir aux besoins de leur famille, d’où la nécessité de les financer pour les soutenir dans leurs activités », ajoute l’homme d’affaires, admiratif.