Mamadou Doumbiya est une adresse bien connue des hommes infertiles. Plongée dans l’univers fétiche de ce marabout qui suscite beaucoup d’espoir.
Par LD
Le silence dans le couloir contraste fort avec le tumulte dans la chambre de Doumbouya, d’où les hommes ressortent toujours avec un sachet rempli de bouteilles « d’eau bénite » ou de racines de plante à usage curatif. Le décor est fait de talismans, de peaux d’âne ou de chèvre. Une carapace de tortue, une tête de gazelle et une queue de singe sont, pêle-mêle, accrochées aux murs entachés par endroits. Des graphies en arabe perturbent parfois ce décor faunique. A chaque coin se trouve un canari fait en terre battue. « Ces canaris – qu’il pointe du doigt – contiennent tous du ‘’safara’’(eau bénite) pour divers usages », annonce Amadi Camara, chambellan du marabout, lequel planifie les visites des patients.
Sur un espace adjacent à la porte d’entrée, sont superposés des dizaines de sacs contenant de la poudre obtenue à partir du malaxage de différentes feuilles et racines arboricoles. Tout autour de la chambre, sont éparpillés des flacons bourrés de toutes sortes de mixtures. Une pièce intimidante aux allures mystiques que vient briser un matelas placé au milieu.
Mamady Doumbouya, le maître des lieux, est assis sur une natte en peau de chameau. Un long chapelet à son cou, deux autres à ses poignets, il se distingue aussi par ses balafres, une identité typique aux « Haoussa » de la Guinée Conakry, son ethnie d’origine. Il porte un caftan en wax sans manches qui dévoile ses robustes bras. Son gros bonnet rouge au sommet enfoncé dans le crâne est essaimé d’une kyrielle de cauris.
Dans l’antre mystique
Les jambes décroisées, Doumbouya met de l’eau dans une bassine en y plongeant des feuilles d’arbre et de la poudre rouge, et les frictionne, aidé par son chambellan. C’est au tour d’Ababacar Diouf, un « patient » venu de Rufisque. Il s’assoit devant un bol de sable. Avec un long cure-dent, coincé entre son index, le pouce et le majeur, le « devin » plaque sur le sable quelques arabesques. En un tournemain, il noie les écrits et empoigne le sable qu’il jette dans un seau d’eau. Un murmure d’incantations indéchiffrables entonne son gestuel. Brusquement, du sac qu’il tient sur son flanc droit, il déniche un minuscule serpent, qu’il plonge dans le seau, en psalmodiant des incantations en langue haoussa.
Le reptile est retiré de l’eau et réintroduit dans le sac d’où il sort une bouteille au contenu jaunâtre. Le féticheur ajoute quelques gouttes à la mixture pour le bain de M. Diouf. « L’eau doit toucher tout ton corps. Il faut veiller à ne délaisser aucune partie. Tout doit être mouillé », ordonne-t-il dans un wolof approximatif.
Montre, lunettes et chaussures enlevées, Ababacar Diouf se dirige vers cette salle dont l’accès est sélectif. Il prend son bain mystique alors que dehors, tout le monde avait déjà pris congé du couloir où de la fraicheur commençait à se faire sentir. Le soir régnait déjà.