dimanche 24 novembre 2024

L’hygiène menstruelle ignorée des établissements scolaires

établissement scolaire

L’école, espace de socialisation, occulte (in)volontairement la transition pubertaire des jeunes filles. Il est rare de voir, dans les établissements scolaires, des toilettes où les jeunes filles, en période de menstrue, peuvent accéder en toute intimité. La mixité des toilettes impacte leur cursus scolaire.

Par AD

Les Collèges d’enseignement moyen (Cem) qui disposent de toilettes réservées aux jeunes filles se comptent du bout des doigts. Et pourtant, ce cycle les accueille à l’âge de la puberté, une période charnière dans leur parcours.

Les données du ministère de l’Éducation nationale indiquent qu’en 2018, la population scolarisable dans ce cycle était d’un million 458 550 élèves, dont 715 275 jeunes filles, soit 49% des effectifs. Une tendance qui se reflète au niveau de toutes les localités du pays, à l’exception des régions de Dakar (50,5%), Diourbel (50,5%) et Kaffrine (50,1%) où les filles prédominent légèrement.

L’hygiène menstruelle demeure un véritable défi pour les jeunes filles. Au Collège d’enseignement général Aliou Goudiaby, situé dans la commune de Kafountine, (département de Bignona), une seule toilette est fonctionnelle.  S’y bousculent garçons et filles. Ces dernières vivent dans l’angoisse et le désarroi en période de menstrues. Elles doivent souvent inventer des stratégies pour éviter de fréquenter l’unique cabine qui n’a pas de porte, en plus du problème de salubrité.

« Quand j’ai mes menstrues, je m’habille de telle sorte que je ne tâche pas mon kaki. Il y a des jours où j’ai cours toute la journée », confie A. Imelda. Sa camarade S. Badji renchérit : « Lorsque nous sommes en menstrues, nous sortons de l’établissement pour aller dans les maisons d’à côté. »

Dans la même localité, au collège Abd-El Azi Abdoulaye qui dispose de six cabines de toilettes pour quarante groupes pédagogiques à la fois, la gestion de l’hygiène menstruelle se pose aussi. Selon le surveillant général S. Diop « plusieurs jeunes filles demandent souvent l’autorisation de quitter les cours pour aller se changer, mais ne reviennent que quelques jours plus tard ».

En effet, pour maintenir une meilleure hygiène de vie, il est recommandé de changer de serviette, en moyenne, toutes les 4 heures. « Le fait de passer plusieurs heures avec une serviette en période des menstrues peut entraîner des infections », explique Dr Daouda Cissé, gynécologue à l’Hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff.

Chaque mois, des filles perdent ainsi des journées d’apprentissage, faute de toilettes adaptées dans les écoles. « On est obligées de rater les cours le temps des menstrues », confesse S. Sané, très préoccupée par cette situation en l’absence de solution de rechange.

Manque de données genrées

 Peu d’études sont menées sur l’impact de la mixité des toilettes en milieu scolaire. Pourtant, à l’entame du cycle moyen, les jeunes filles demeurent majoritaires. En 2018, selon les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, parmi les nouveaux inscrits en classe de sixième, 90 569 sont des filles contre 82 838 garçons, soit 52,2 % des effectifs. Une constante observée aussi de 2013 à 2017. Mais, avant la fin du cycle secondaire, environ 15% d’entre elles décrochent, en raison des difficultés pour changer leurs serviettes en période de menstrue.

Des toilettes réservées exclusivement aux filles et aux femmes dans les milieux de professionnels, les lieux publics ou encore les entreprises de presse ne constituent pas la norme. Cette non prise en compte découle de l’absence de données genrées. Non plus, aucune vision prospective n’accompagne la prise en charge de la gestion des menstrues des filles dans les établissements scolaires.