50% des femmes subiront une fois dans leur vie procréative une fausse couche ou avortement spontané. Vécue comme un échec, la fausse couche demeure pourtant un évènement normal, selon les spécialistes.
Par AD & MF
« J’ai perdu mon bébé à trois mois de grossesse, je n’étais pas malade du tout. Tout se passait bien. Son cœur battait normalement. Je respectais mes visites prénatales. Il n’ y avait aucun signe qui annonçait cet arrêt brutal de ma grossesse. Pendant des semaines, je me demandais ce que j’aurais pu ou aurais dû faire pour garder ce bébé », confie Nafissatou.
Les fausses couches sont fréquentes mais peu connues. 50% des femmes subissent au moins une fois dans leur vie une fausse couche. Selon Dr Ibra Diagne, ancien interne des hôpitaux « en moyenne 50% des motifs de consultations d’urgence dans les maternités concernent les interruptions de grossesse ». En 2020, l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) indique que 16% des grossesses étaient concernées.
La détresse des femmes qui vivent cette perte est immense. Pour Eugénie qui a fait deux avortements spontanés successifs, après la naissance de sa fille, « c’est un sentiment d’échec, accompagné d’une souffrance excessive qui te hante. Cette perte reste douloureuse même quand elle survient après la naissance d’autres enfants ».
Pourtant, pas de quoi s’inquiéter ! Les fausses couches font partie de leur vie procréative. « Pour qu’une grossesse suive son cours, il faut qu’un ensemble de choses fonctionnent bien. Donc, une fausse couche nous donne également des informations de bon fonctionnement », explique Dr Paul Chatel gynécologue obsétricien lors d’un congrès international sur la gynécologie organisé à Dakar.
Un cauchemar féminin
L’avortement, c’est-à-dire l’interruption de la grossesse avant le cap des 22 ou 28 semaines, se manifeste par « la perte de fluide, de sang ou de tissu par le vagin, des douleurs au ventre ou des lombaires », explique Daouda Ciss gynécologue à l’Hôpital Idrissa Pouye de Grand Yoff. Un processus irréversible qui peut nécessiter une dilatation du col de l’utérus, un curetage afin de prévenir certaines complications.
En plus d’un sentiment de tristesse ou de chagrin, les fausses couches sont des moments difficiles « Je ne dormais pas la nuit. Je pleurais et priais le bon Dieu de me donner d’autres enfants. C’est très dur pour une femme. Et pourtant, quand ça arrive, les médecins le banalisent, alors que cela est très angoissant », confie Ginette Ndiaye. Et la coutume console avec l’assertion selon laquelle « les aînés ne restent jamais », si elle n’invoque pas la volonté divine « pour avoir un enfant qui survive ».
Plusieurs dysfonctionnements d’origine utérine, des anomalies chromosomiques complexes ou certaines infections, entre autres, peuvent provoquer l’arrêt de grossesse. C’était le cas de Ginette Ndiaye. Après, la naissance de son fils aîné, cette maman de trois enfants a fait trois avortements successifs, pour cause d’infection. Elle s’est résolue à retourner chez le gynécologue. Les tisanes du tradipraticien ne lui ont pas évité une troisième fausse couche. Dr Binta Ndiaye, gynécologue obstétricienne, recommande la consultation prénuptiale pour prévenir les fausses couches. « Les jeunes filles ne viennent consulter que lorsqu’elles ont un problème particulier » déplore-t-elle. Aussi faut-il prendre en charge la fausse couche, ensuite « faire la contraception au moins six mois, avant de songer à une autre grossesse. Ce temps permettra au médecin d’affiner les recherches pour trouver une cause curable au premier avortement ».
Ces avortements spontanés rendent les femmes vulnérables aux autres maladies. En effet, tomber enceinte après un avortement surtout hémorragique constitue une grossesse à risque. Une prise en charge médicale et psychologique est nécessaire. « C’est un choc traumatisant et il est important d’aider les femmes à le surmonter, à avoir confiance en elles pour planifier une autre grossesse », préconise Dr Ndiaye.
« J’ai pensé que je n’allais plus avoir d’enfants. Ce sont des moments durs. Heureusement que j’ai eu le soutien de mon mari et de mes parents. Parce que si tu es seule dans ces moments, tu risques de devenir folle », confirme Laurence Biagui. Cette dernière découvre sa grossesse quand on lui a diagnostiqué un avortement : « Inexplicable ». Sa deuxième grossesse a connu le même sort. C’était « insurmontable » confie la jeune femme.
En effet « la moitié des femmes connaitront une souffrance psychologique significative » après un avortement spontané lit-on dans la thèse de Dr Ibra Diagne. En cause, l’importance d’un enfant en Afrique et tout ce qu’il symbolise pour la famille « surtout quand on vit dans la belle-famille » explique Alice Niang. Elle se souvient : « J’étais devenue paranoïaque et très sceptique. Quand on me fixe du regard, je fais des histoires. C’est difficile à expliquer. »
Devenue maman, après plusieurs années de mariage, elle se rappelle encore le stress, l’angoisse de ces périodes traumatisantes. « J’ai pensé être victime d’un maraboutage » confesse-t-elle.
Mots-clés
Avortement, interruption d’une grossesse
Avortement spontané ou fausse couche, causé par une maladie ou sans cause connue.
Avortement provoqué, par une intervention humaine, soit pour des raisons thérapeutiques (appelé interruption médicale de grossesse ou IMG) ou pour des raisons non thérapeutiques (appelé interruption volontaire de grossesse ou IVG).
Au Sénégal, l’IVG est interdite.